L'enterrement de Mohand Arab Bessaoud aura lieu ce samedi à Akaoudj
L'enterrement de Mohand Arab Bessaoud, ex-officier de l'ALN et membre fondateur de l'Académie berbère à Paris en 1966, décédé le 1er janvier à Londres (Angleterre), aura lieu samedi 12 janvier au village Akaoudj, dans la commune de Aït Aïssa Mimoun, 15 km au nord-est de Tizi Ouzou.


La dépouille mortelle sera rapatriée vendredi et la veillée funèbre se déroulera dans la soirée à la maison de la culture Mouloud-Mammeri, lieu où se tiendra à partir d'aujourd'hui une exposition retraçant le parcours de ce grand militant de la cause nationale. Pour rappel, le choix du lieu de l'enterrement répond aux volontés du défunt, exprimées l'an dernier à la même date, lors de sa conférence animée à l'occasion de la pose de la première pierre de sa maison. Un projet que la population locale tenait vraiment à réaliser sous l'égide du comité portant le nom du défunt et de l'association Uqetâan.

Par: A. Moussa (Le forum sur la culture Berbère

                                                                                                                                                                                                                                                       

   

 

LA CÉRÉMONIE A EU LIEU HIER À AKAOUDJ (TIZI-OUZOU)LE PÈRE DE L'ACADÉMIE BERBÈRE INUHUME      

Le village Akaoudj (commune d’Aït Mimoum), dans la wilaya de Tizi Ouzou, était la “Mecque” des militants de la cause amazighe et des hommes de culture venus par dizaines de milliers conduire Dda Mohand à sa dernière demeure.

Dès la matinée, ce village, perché sur une colline, commençait à accueillir les artistes et d’anciens compagnons de lutte du défunt. Etaient ainsi présents des anciens détenus du printemps berbère de 1980, qui étaient tous des élèves de Bessaoud, à l’image de Saïd Khelil, Ahmed Aggoun, Mohamed Stiet.  Quand la dépouille mortelle arriva à 13h, Akaoudj eut du mal à accueillir ses hôtes. C’est dans une ambulance, sur laquelle flottait le drapeau algérien, qu’arriva l’ancien officier de l’ALN, accueilli par un tonnerre d’applaudissements et des youyous stridents. “A da Mohand, mazalegh dimazighen” (nous sommes toujours des berbères), clamaient à gorges déployées les présents. L’émotion a atteint son comble quand Aghuru (l’hymne de Matoub) fut entonné sous le ciel d’Akaoudj, devenu le temps d’un enterrement, le berceau de la Kabylie. Le moment le plus poignant était celui de la mise en terre. Trois coups de baroud d’honneur furent tirés avant et après l’inhumation. Le moment fort fut aussi celui de la prise de parole par les membres de la famille Bessaoud, notamment par son fils qui s’ adressa à la foule avec la dignité du fils d’un héros.

À l’issue de la cérémonie d’inhumation, la chanson de Matoub intitulée “Ô veuves, nous avons perdu tant d’hommes valeureux !” a été rediffusée. Une minute de silence a été observée, après quoi tout le monde s’est fait le serment de poursuivre le combat de Bessaoud Mohand Arab pour le recouvrement de l’identité amazighe afin de donner naissance à l’Algérie moderne et plurielle dont rêvait tant Dda Mohand et à laquelle il avait sacrifié sa vie. (Liberté 13/01/2002)

                                                                                                                                                                                                                                                      

 

   

  

    

"Le combat de Mohand Amazigh est aussi le mien"

 Âgée de 66 ans, Dorothy BANNON, épouse de feu Bessaoud Mohand Arab (écrivain et grand combattant de la cause amazigh) n'a jamais caché son amour et son admiration pour la culture berbère que son mari a défendue contre vents et marées jusqu'à son dernier souffle et ce, à côté d'une admirable femme dont les qualités sont dignes de celles des plus vieux peuples du monde. Dans cet entretien qu'elle nous a accordé, elle nous livre ses impressions.  

                                                                                                                                                                                                                 

Izuran : Dans quelles circonstances avez-vous connu votre mari ?

 Mme Dorothy Bessaoud : Je suis allée à Paris en 1976 pour suivre, pendant  un trimestre, des cours de français à l'institut britannique de la Sorbonne. Entre-temps quelqu'un m'a introduite à l'Académie berbère où j'ai fait la connaissance de mon mari. Je dois admettre que je suis tombée sous le charme dès que je l'ai vu. C'était alors le début de notre histoire.

 Izuran : Que faisait-il à cette époque-là ? 

 Mme D.Bessaoud : Quand je suis arrivée à Paris, l'Académie berbère avait déjà dix ans d'existence. Donc l'idée a déjà mûri dans l'esprit des gens. A l'époque, mon mari présentait des conférences que les militants de la cause et moi-même suivions avec intérêt. C'était aussi l'époque du bulletin mensuel "Agraw  imazighen."

Izuran : Comment en êtes-vous arrivée à sympathiser avec cette culture que vous avez découvert grâce à votre mari ?

Mme D. Bessaoud : Avant de connaître mon mari, je dois avouer que j'ignorais tout de la culture berbère. Mais grâce à lui, dès que j'ai sympathisé avec cette nouvelle richesse je l'ai adoptée car elle me rappelle ma propre culture, celle d'où je viens.  

Izuran : Justement, n'auriez-vous pas des origines celtes ?

Mme D. Bessaoud : Exactement. Je suis d'origine irlandaise. Bien évidemment, le sang celte coule dans mes veines. Ainsi, j'ai retrouvé les caractéristiques de mon peuple et ces qualités rares dont Ibn Khaldoun a souvent parlé dans son livre : "l'histoire des Berbères". En plus de ça, j'ai habité à York-shire au Nord de l'Angleterre où les gens sont affectueux et chaleureux. J'ai reconnu les mêmes traits chez vous, pour cela je me suis identifiée à ces Berbères que je sens très proches.

Izuran : Quel est votre apport au combat de votre mari ?

Mme D.Bessaoud : Mon mari m'a appris beaucoup de choses en m'expliquant le sens de sa lutte et de son objectif. Je dirais que c'est une formation qu'il m'a donné car j'étais assoiffée de connaître cette culture et ce peuple. Dire que j'ai pris part au combat est exagéré car il avait assez d'énergie pour le faire lui-même. Toutefois, je l'ai toujours soutenu dans sa lutte.

Izuran : Dda Moh était un démystificateur de l'histoire. A ce propos, y a t-il eu des conséquences par rapport à son œuvre ?

Mme D.Bessaoud : Ce qu'il a subi après la publication de son premier livre, il l'a traîné durant des années. D'abord fuyant l'Algérie, puis même la France pour l'Angleterre.

Izuran : Justement, quelles étaient les raisons qui l'ont poussé à rejoindre l'Angleterre ?

Mme D. Bessaoud : Il était à l'Académie berbère jusqu'en 1978. A ce moment-là, le Président français, Giscard d'Estaing n'aimait pas ce que faisait mon mari, alors ils ont crée de toutes pièces une accusation permettant de l'emprisonner (voir “Histoire de l'Académie berbère”, dernier chapitre). Emprisonné pour 6 mois, il fut relaxé en faisant appel. Profitant de sa liberté, un ami l'a aidé à passer en Espagne pour y rester quelques temps puis pour nous rejoindre en Angleterre où il obtint son statut de réfugié politique. Là-bas nous avions suivi avec grand intérêt les étapes de la lutte des Berbères comme le Printemps berbère puis le boycott scolaire où je dois avouer mon admiration pour votre courage et votre abnégation envers votre culture et votre identité. Je pense que toute cette lutte est une culmination, donc le fruit d'un travail harassant entrepris par mon mari et tous les gens de bonne volonté pour la culture. Toutefois, mon mari ne désarma pas car il continuait à avoir des contacts avec des gens et à s'occuper de la réédition de son œuvre, en publiant "Quelques pages de notre histoire", "Les prénoms berbères" avec Said Ait Ameur puis faisant le bilan de sa lutte en écrivant le livre "l'Histoire de l'Académie berbère."

Izuran : Quel était son opinion sur les Kabyles, lui qui avait beaucoup d'ennemis internes et qu'en pensez-vous ?               

Mme D. Bessaoud : Il avait une très bonne idée des kabyles et de leurs qualités. Par contre, pour moi, quand il m'a raconté certains aspects de leurs personnalités, ce que j'ai confirmé en lisant son livre "Heureux les martyrs qui n'ont rien vu", je dois admettre que j'étais choquée. Par exemple : quand des combattants kabyles allaient chercher des armes au Maroc et rencontraient plus d'obstacles de leurs ennemis internes que de la France.

Izuran : Donc vous trouviez assez paradoxal de lutter pour une culture dont les ennemis sont issus de cette même culture ?

Mme D.  Bessaoud : Au début oui ! car je croyais que vous étiez tous unis pour l'indépendance et pour la liberté avec un seul égard. Mais j'ai vite déchanté en voyant ces luttes intestines qui vous ravagent et ce jusqu'à nos jours. Cependant, j'ai dû accepter les faits car comme mon mari le pense, il n'y a aucune raison qui puisse justifier notre négligence envers cette culture. En plus, heureusement que d'honnêtes gens existent pour reprendre le flambeau.

Izuran : A t-il laissé des œuvres en chantier ?

Mme D. Bessaoud : Oui, bien sûr ! il a laissé quelques travaux inachevés. Je profite de l'occasion pour lancer un appel pour leur publication ainsi que la réédition de ses œuvres épuisées.

Izuran : Comptez-vous poursuivre son combat ?

Mme D. Bessaoud : A ce propos, on nous a contactés pour la création d'une fondation au nom de "Mohand Arab Bessaoud" pour défendre ses droits moraux. Mon fils et moi pensons que c'est une bonne initiative afin que son combat soit connu des nouvelles générations et pour que sa lutte ne restera pas vaine.                     

Izuran : Pourquoi est-il rentré en Algérie en 1997 ? Comment a t-il été accueilli dans son village natal ?

Mme D. Bessaoud : Revenir avant 1997 aurait été très difficile pour plusieurs raisons surtout du côté "politique". Mais la situation est devenue moins aigue vers cette période ; alors Mohand a finalement reçu son passeport algérien (non sans beaucoup de dégâts) et ce, grâce au soutien des journalistes qui ont fait pression sur le gouvernement algérien.

Il a été accueilli dans son village natal de Taguemount El-Djedid d'une manière exceptionnelle. C'est à dire qu'ils avaient tout fait pour que son retour soit à la hauteur d'un homme qui a éveillé son peuple et les a rendus fiers de leur identité amazighe. Tout le village a joué un rôle - dans l'accueil à l'aéroport et/ou dans les préparations de la fête qui durera une semaine à peu près au village. Tout le monde s'est réjoui. Des milliers de gens sont venus de partout rencontrer Mohand. Beaucoup de personnes m'ont raconté que c'était des moments fantastiques et inoubliables. L'unité était tangible.

Izuran : Comment a-t-il été adopté par le village d'Akaoudj ?

Mme D. Bessaoud : Pendant son exil, il a toujours rêvé d'avoir sa propre maison (son foyer) en Kabylie - sa belle Kabylie. Alors quand quelqu'un lui a généreusement offert un domaine à Akaoudj, comme récompense pour ses plusieurs années de sacrifice et de travail pour la cause, il l'a accepté avec joie. Ainsi, il a émis le vœu d'être enterré dans sa demeure. 

Propos recueuillis par EL Kaissa ZENIA                           

                                                                                                                                                                                                                                     

                            

                                

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